L’exportation

La cidrerie avait une grande habitude des foires locales (foire aux fromages de Coulommiers, foire de Meaux…). A partir des années 70, elle cherche à faire connaître ses produits auprès d’acheteurs français et étrangers dans des salons professionnels réservés aux produits alimentaires, comme le SIAL (Salon International de l’Alimentation qui avait se tient tous les deux ans), Vinexpo à Bordeaux (réservé pour le vin mais où Mignard a obtenu d’avoir un stand parce que présent sur le salon depuis l’origine) ou l’ANUGA à Cologne (salon le plus important du monde).

L’exportation débute en Allemagne (grand producteur et consommateur de cidre) avec la vente de cidre en vrac et bouteilles champenoises conditionnées pour la société Granini sous la marque DUX.

L’exportation pour la cidrerie devient rapidement un service à part entière, dirigé par Pierre Truchon (ancien élève issu de l’Ecole Supérieure de Commerce de Reims) avec le précieux concours de Danièle Guillard. Doté d’une remarquable vision stratégique et d’une parfaite connaissance de l’anglais et de l’allemand, Pierre Truchon exerce un rôle déterminant pour développer « l’international » grâce aux salons, non seulement en Europe (Allemagne, Angleterre, Belgique ..) mais aussi aux Etats Unis, au Canada, au Moyen Orient (Emirats, Arabie Saoudite), en Asie (Japon, Hong Kong, Taïwan, Singapour, Malaisie) et dans les Dom Tom (Guadeloupe Martinique Réunion ).

Avec la reprise de la cidrerie Gavrel à Ferrières en Bray (et donc de sa clientèle), la cidrerie entre en contact avec un petit distributeur de boissons à New York, qui amorce l’export outre atlantique.

Tout d’abord ce client nous fit connaître une jeune française, Marie Christine xxx, qui faisait un stage pour la SOPEXA (société pour l’expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires). Je fis sa connaissance à l’occasion d’un salon alimentaire à New York. Elle est devenue par la suite notre agent pour la côte est. J’allais visiter régulièrement clients et prospects avec elle. Par la suite nous avons engagé un stagiaire (Pascal Bénichou issu de Sup de Co Reims, comme Pierre Truchon) pour développer la côte Ouest et le Canada. Avec son concours, nous avons créé une structure près de Los Angeles pour distribuer nos produits et lancé la marque « Bel Normande ». La SOPEXA nous aidait à organiser des animations dans les foires et les grandes surfaces. Nous avons pu engager des stagiaires pour 2 mois. L’un d’entre deux s’appelait Laurent Mignard.

Le virage vers l’exportation est rendu possible grâce à un organisme d’assurance crédit, la COFACE (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur), qui en cas d’insuccès dans la prospection des nouveaux marchés, indemnise pour les frais engagés (personnel, matériel de vente, communication et déplacements).

En plus du cidre, les produits commercialisés sont essentiellement des boissons pétillantes en bouteille champenoise (pomme, raisin rouge ou blanc). Pour l’Angleterre, la cidrerie crée une boisson pétillante rosée à base de jus de raisin rouge et blanc (blush) qui complète le raisin-mandarine ou le raisin-pêche. Les grandes chaînes de distribution vendent les produits sous leur marque propre (Tesco, Safeway …) ou sous la marque « Francere » », les marques « Challand » et « Mignard » étant peu utilisées.

Les Emirats et l’Arabie Saoudite étaient de très grands consommateurs de jus de raisin et la marque autrichienne « Rauch » y était très bien implantée. Dans les hôtels, on buvait du « Saoudi Champagne », un cocktail de jus de pommes et de Perrier ! Ils importent également énormément de levure de boulanger. Pourtant l’alcool est interdit dans ces pays et sévèrement réprimé ! Et que fait-on avec de la levure et du jus de raisin (rouge) ?!! Nous avons donc commercialisé des jus de fruits pétillants en bouteille champenoise (pomme, raisin blanc et rouge). En Arabie Saoudite, j’ai tenu notre stand une semaine à Ryad et ai découvert les coutumes et surtout le conservatisme de ce pays. Par l’entremise d’un radiologue de l’hôpital de Coulommiers, lequel avait un ami qui « faisait des affaires » (une sorte d’aventurier), nous avons pu obtenir la commande de plusieurs dizaines de containers de jus de raisin expédiés en un temps record et dont le paiement était garanti par une société financière appartenant au groupe Doumeng (notons l’importance de s’assurer du financement avant d’expédier des marchandises). – SM

Le service export prend également en charge les marchés de la France d’Outre Mer comme les Antilles (Martinique et Guadeloupe), la Réunion ou la Nouvelle Calédonie. Dans ces régions à fruits tropicaux, on aime à y consommer également du jus de raisin (sous la marque Challand). La cidrerie exporte également dans les pays limitrophes comme la Belgique (autre pays du cidre) et la Hollande (essentiellement du jus de raisin pour une chaîne de produits naturels). Par la suite, Pierre Truchon prend la direction commerciale France et cède sa place à Laurent Aubry.

Pour les pays lointains, notamment les Etats Unis, le Moyen Orient et l’Extrème Orient, nous prenions contact avec les fonctionnaires du Centre Français du Commerce Extérieur, la Sopexa, les Attachés Agricoles, etc … Mais leurs moyens étaient limités et il fallait surtout compter sur soi. Ils étaient animés de bonnes intentions mais trop souvent déconnectés du monde de l’entreprise surtout des PME. C’est d’ailleurs ce que j’ai dit au préfet Christian Blanc lors d’une réunion organisée à Melun, à laquelle participaient les entreprises exportatrices de Seine et Marne. – SM

Lorsque CSR Pampryl (filiale Pernod Ricard) racheta la Cidrerie à Joker, un certain nombre de marchés furent perdus, comme Taïwan qui représentait entre 800.000 et 1 million de bouteilles. A ce jour, la marque Bel Normande serait toujours distribuée aux États-Unis, et la marque Challand utilisée pour des jus pétillants notamment dans les magasins Auchan (surtout dans le Nord de la France). Quand à la marque Mignard, elle est toujours utilisée au Japon par un distributeur local qui se l’ait accaparée sans aucune permission ! – SM

L’exportation pour une PME c’est aussi une ouverture sur le monde, la découverte de ses cultures, ses coutumes, ses symboles (le vert au Moyen Orient, le rouge en Extrême-Orient). C’est également apprendre à travailler avec les fuseaux horaires (on communique le matin avec l’Asie et l’après -midi avec les Etats Unis), savoir comment utiliser les taux de change et aussi s’exprimer dans une autre langue, essentiellement l’Anglais. Mais c’est aussi viser l’excellence aussi bien pour le produit lui-même (création d’un laboratoire « qualité ») que pour son conditionnement (habillage des bouteilles, boites cadeaux … ) – SM

Commentaire de Serge Mignard.

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