Pernod Ricard

Pernod Ricard est depuis de longues années dirigée par la famille Ricard : après Paul le fondateur, son fils Patrick (décédé il y a quelques années ) et depuis peu un neveu, Alexandre. L’organisation consiste en une « holding » (maison mère) à laquelle sont rattachées des filiales porteuses de marques à très forte notoriété : Ricard, Pernod (qui élabore et distribue la Suze), les whisky irlandais et écossais, Chivas, les vins du « nouveau monde » (Nouvelle Zélande, Australie, Argentine, Chine), le rhum Havana, les apéritifs (Dubonnet, Cinzano, Ambassadeur), les vodkas polonaises (et depuis quelques années une célèbre vodka Absolut achetée au gouvernement suédois), le champagne (Perrier Jouet), une société fabriquant des purées de fruits à Mitry Mory (fournisseur notamment de Danone chez qui nombre d’employés de la cidrerie ont continuité leur carrière après le fermeture de Mignard), une société d’arôme pour l’industrie agroalimentaire en Italie, etc … etc.

Dans les années 70, Pernod Ricard s’était diversifié avec le jus de pommes Rivoli et le Jus de Raisin Bendor. Puis, il a acquis Orangina, les jus de fruits Pampryl, la concession Coca Cola à Clamart, et dans les années 80 plusieurs cidreries comme « Raison » et les « Cidreries Réunies », et une autre à Cormeilles (Pays d’Auge), qui élaborait le Calvados Busnel, deux élaborateurs de jus de raisin en vrac (Sopagly à Rivesaltes et Foulon à Macon)…

En 1991, Pernod Ricard souhaite poursuivre sa diversification dans les jus de fruits et les cidres et vise les « Cidreries Mignard » ainsi que la cidrerie « Duché de Longueville ». N’étant pas informé des transactions menées par Joker, je pressens le pire et propose une alternative avec une cidrerie belge mais c’est déjà trop tard. L’actionnaire majoritaire a tous les pouvoirs.

Joker ne m’informa que tardivement de ses négociations avec Pernod Ricard, lorsque l’affaire était pratiquement conclue. En ayant eu vent, je leur fis un courrier pour m’en étonner et aussitôt ils m’ont demandé descendre à Macon pour tenter de me convaincre du bien fondé de l’opération. Mais l’’histoire aurait pu se finir autrement … J’avais envisagé une solution avec une cidrerie belge, car il était prévisible que Pernod Ricard qui avait déjà beaucoup investi dans le cidre avec la reprise de « Raison » et des « Cidreries Réunies » allait à terme mettre en œuvre une restructuration industrielle avec la fermeture de plusieurs sites. Ma crainte a été malheureusement justifiée. De plus, l’attitude de Joker vis-à-vis de celui qui avait dirigé leur filiale pendant 20 ans et leur permis de gagner beaucoup d’argent manquait singulièrement (moins) d’élégance. Avant la signature définitive, et pour s’assurer que le prix de vente convenu ne pourrait être diminué à l’issue de l’audit de Pernod Ricard (contrôle des comptes, stocks, matériel…), Joker a même osé me demander de garantir le passif à titre personnel, ce que j’ai été contraint d’accepter !

Pernod Ricard rachète donc Mignard à Joker, en même temps que la cidrerie du Duché de Longueville, possédant ainsi plus de 50% de part de marché du cidre.

Voir rapport annuel Pernod Ricard 1991

Malgré ce qui ressemble à un abus de position dominante, on peut s’étonner du fait que la vente soit entérinée par le conseil de la concurrence.

Voir avis n°92-A-08 du 20 octobre 1992

Dans un premier temps, rien n’a changé chez Mignard. Le personnel est conservé et Serge devient le PDG de Mignard, ce qu’il n’avait jamais été à l’époque d’Ariel ou de Joker. De plus, il est rassuré sur les capacités financières du groupe.

Ayant toujours vécu la douloureuse dépendance vis à vis des banques et suivant au plus près la gestion financière (avec Thérèse et Rose), quelle n’a pas été ma surprise, lorsque j’ai entendu de la bouche du président de la filiale CSR Pampryl, devant un « Ricard » dans un café du Rond Point des Champs Elysées, le jour même de la reprise : « A partir de maintenant Serge, vous n’avez plus de problèmes financiers ! »

Chaque année, la direction de Pernod Ricard venait dans ses filiales pour évoquer la politique du groupe communiquer les statistiques de vente, les prévisions et échanger avec les responsables. Chaque année également, les cadres dirigeants des filiales étaient conviés au siège pour faire le point sur la saison écoulée, expliquer entre autres les écarts par rapport aux prévisions de l’année antérieure, et se projeter sur une et plusieurs années.

En 1995, coup de tonnerre : Pernod Ricard opère une restructuration industrielle sur le secteur du cidre tout en conservant sa part de marché et en s’appuyant sur les marques « Raison », « La Cidraie » et « Duché de Longueville ». Deux marques seulement seront conservées, et Mignard va disparaître. Le succès de Jehan de Brie et les bons résultats à l’exportation n’empêchent pas la fermeture définitive du site de Bellot qui n’était plus stratégique pour Pernod Ricard.

Voir l’article du Point du 11/11/1995

Commentaire de Serge Mignard.

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