Serge Mignard

Serge a grandi dans l’entreprise familiale aux côtés de ses deux sœurs cadettes, Denise et Danielle. Son père Ariel a cessé toute activité depuis janvier 1965 à cause d’une congestion cérébrale, mais reste président de la société. A l’âge de 29 ans, Serge se retrouve donc avec l’entière responsabilité de la cidrerie (technique, administration, gestion, finances, commercial…) et peut compter sur un personnel des plus compétents (une quinzaine de personnes plus les saisonniers). Tout en agissant dans la continuité de son père, il lui faut négocier le énième virage des progrès techniques. Pour assurer la pérennité de l’entreprise, il doit sécuriser les approvisionnement en pommes, anticiper la demande en constante évolution, répondre aux exigences grandissantes de la grande distribution… Pendant plus de 30 ans, il lancera de nouveaux produits (jus de raisin, boissons pétillantes) dans de nouveaux conditionnements (petites bouteilles, puis boite métal, brique carton, bouteille PET et cidre en fût), modernisera la cidrerie et développera des fabrications ou le conditionnement pour le compte de tiers (Sinalco, marques distributeurs, bière, bière sans alcool, jus de raisin cachère, suze tonic …).

La matière première

Face à des besoins croissants, la cidrerie élargit le périmètre de ses approvisionnements en pommes. Outre la Normandie, la Mayenne ou le Perche, les pommes proviennent de la région de Bourges, de la Marne, du Loiret, de l’Yonne ou de l’Aube … jusqu’à la Hongrie ou la Pologne les années de faibles récoltes. A partir de 1965, l’approvisionnement est complété par du jus de pommes concentré acheté en citerne à des cidriers de Normandie ou du Perche. A noter que les poirés complètent le dispositif, essentiellement pour « équilibrer » les cidres grâce à leur acidité élevée.

Jacques de Toy

En novembre 1965, afin de compléter l’approvisionnement en pommes (ou en cidre) et développer les ventes, la cidrerie acquiert le fonds de commerce d’une petite cidrerie de Rouen dont la marque « Jacques de Toy » deviendra la marque principale de cidre bouché de la cidrerie sur le marché français.

Cette cidrerie vétuste était située en centre ville et n’offrait pas de perspectives de développement. Elle a cessé son activité à l’issue du bail en 1974, et une partie du personnel a été repris à Bellot : Jacques Michel (commercial), Roger Surplie (technique), Maxime Delarue … – SM

Optimisation de la production

A Bellot, Serge souhaite améliorer le rendement du pressurage de la pulpe et supprimer le travail pénible qui consistait à « faire les marcs ». Il fait donc l’acquisition d’une presse « Decouflé » et optimise le processus de fabrication. Après pesage, les pommes (ou poires) sont déchargées et stockées dans des silos comportant trois compartiments (pour différencier les provenances et/ou les variétés et les degrés de mûrissement). Acheminées ensuite par un courant d’eau circulant dans un caniveau jusqu’à un bac de réception, les pommes sont reprises par un élévateur (à godets) avec sur leur parcours un arrosage d’eau potable. Une râpe (broyeur) réduit la pomme en pulpe.

La presse « Découflé » permet une pression progressive de la pulpe entre deux tapis qui avancent lentement, le marc étant ensuite envoyé par une vis sans fin dans les cuves de diffusion (toujours visibles aujourd’hui). A noter qu’auparavant, le pressurage s’effectuait avec des toiles repliées emprisonnant cette pulpe et posées sur des claies. Le procédé était particulièrement pénible. – SM

Le jus de raisin

Le jus de pommes « Elit » jouissant d’une excellente réputation (nombreuses médailles au concours annuel du salon de l’agriculture de Paris), Serge entreprend de compléter l’offre avec du jus de raisin (rouge pour l’essentiel). La matière première est livrée en citerne isotherme de 250 hl (25 000 litres), déchargée dans une cuve réfrigérée puis filtrée et mise en bouteilles. Le jus provient essentiellement de la région de Perpignan (coop d’Elne par ex) mais aussi de la région Lyonnaise puis du Maroc (Meknes) pour le jus muté. Les ventes de jus de raisin « Elit » connaissent un fort développement, conditionné dans la même bouteille « steinie » que celle du cidre puis en petits contenants.

Petits contenants et nouveaux produits

Dans les années 60, une demande de petits contenants s’exprime de la part des collectivités (armée, hôpitaux, restaurants universitaires … ) et pour les appareils distributeurs de boissons réfrigérées. Serge convainc son père d’investir dans une nouvelle chaîne d’embouteillage (capacité de 4.000 bouteilles/heures) pour le cidre, le jus de pommes et le jus de raisin en bouteilles de 25 cl.

Le fournisseur de la chaine d’embouteillage était la société Baele Gangloff basée à Villeurbanne, représentée par Louis Lacroix et Louis Chetaille. La banque n’étant pas favorable à une augmentation de l’endettement de l’entreprise, le financement a été bouclé par un leasing contracté auprès d’un organisme de crédit spécialisé. Même si l’opération était plus couteuse qu’un prêt classique, cette formule avait l’avantage de la simplicité, de ne pas faire appel à la banque de la société, mais surtout de pouvoir soit acquérir le matériel au bout de 5 ans pour sa valeur résiduelle, soit le restituer à l’organisme de crédit en cas d’échec commercial, soit acquérir un matériel plus performant. – SM

Sodas et boissons aux fruits

La cidrerie lance une gamme de limonade et sodas (citron / orange) sous la marque « Atlas », en référence aux Moyen-Atlas marocain d’où est originaire son épouse Madeleine. Une étiquette représentant un petit indien a été lancée pour les Coopérateurs de Champagne.

Par la suite, d’autres boissons complètent la gamme, comme le pomme-cassis sous la marque « pom’cass » ou la boisson à la pomme, produite lors d’une année de récolte particulièrement déficitaire en matière première.

La marque Pom’cass marque a été imaginée par Ariel, et reprise ultérieurement pour la clientèle « collectivité » en bouteilles 25cl. Il s’agissait de jus de pommes additionné de jus de cassis. La boisson à la pomme, sous la marque Elit,  était composée de 50% jus de pommes, d’eau et de sucre. Ne s’agissant pas d’un véritable jus, la représentation du fruit était interdite sur l’étiquette. Nous avons donc représenté une branche de pommier en fleurs. – SM

La cidrerie a également embouteillé pour la célèbre marque allemande Sinalco (boisson à l’orange – concurrent direct d’Orangina, tonic – identique au Schweppes, et cola). L’expérience n’ayant pu se poursuivre, elle lance ensuite la marque Orang’Elit.

Nouvelles cuves

Les ventes se développent et la cidrerie doit toujours composer avec une contrainte lourde : assurer des livraisons toute l’année tandis que la production ne dure que quelques semaines. La cidrerie doit louer des cuves sur le port de Rouen et à Bercy dans la « halle aux vins » et il faut trouver des solutions à ce problème récurrent. Serge investit à Bellot pour le stockage du jus de pommes avec des tanks en aluminium (et ultérieurement en inox) installés dans un local isolé et réfrigéré (0°C). Quatre cuves de grandes contenance (5000 hl) en acier protégé d’un revêtement alimentaire type époxy sont construites à l’extérieur. Grâce à ces cuves de grande capacité, le volume de stockage à Bellot a été portée à près de 130 000 hl (13 millions de litres !)

Ces cuves énormes provenaient de Saintes – Charente Maritime … livrées et soudées sur place – Dominique Ignace

Au premier plan, cuves en inox (1.000 hl) pour le jus de pomme stocké en cuve stérile. En arrière plan, pour le cidre, 4 cuves acier de 5.000 hl protégées de résine expoxy.

Nouvelles chaines de production

A partir de 1965, la capacité d’embouteillage est toujours insuffisante. Un bâtiment est construit (toujours visible) pour abriter une nouvelle unité d’embouteillage (fournie par Baele Gangloff). Les bouteilles sont conduites par tapis roulant depuis le décaissage (manuel dans un premier temps) vers la laveuse, la soutireuse, le pasteurisateur, l’étiqueteuse.

Un saturateur Brosseau est mis au point à Bellot pour éviter l’ancien procédé qui consistait à injecter le gaz carbonique directement dans la cuve.

La gazéification de la limonade et des sodas est relativement aisée avec un saturateur automatique. Pour le cidre, en revanche, le mousse empêche un soutirage correct. Pour y remédier, nous avons installé, à côté de l’appareil, un réservoir « tampon » pour que le cidre gazéifié puisse se stabiliser avant l’embouteillage. – SM

             

Acquisition d’une cidrerie à Auffay

Toujours avec le souci d’assurer l’approvisionnement en pommes et en cidre, la cidrerie Mignard fait l’acquisition en 1971 de la « Société Cidricole du Pays de Caux » à Auffay en Seine Maritime (à 20 km environ de Dieppe). La veuve de l’ancien gérant, Madame Gogly, est chargée de la diriger, puis en tandem avec Roger Surplie après la fermeture de la cidrerie de Rouen en 1974. L’atelier de pressurage est entièrement changé afin d’augmenter le rendement et la capacité de production.

La mise en bouteilles étant peu performante, nous avons fait le choix d’utiliser cette cidrerie pour sa capacité de pressurage. Afin « épuiser » la pulpe au maximum, nous avons installé une bande de diffusion Préaux (du nom de son inventeur) et un nouveau séchoir à marc. Les pommes étaient stockées en silos couverts, ce qui était exceptionnel. En période de fabrication du cidre, des camions citerne de plus de 200 hl (dont le nôtre) faisaient la navette entre Auffay et Bellot. – SM

1972 – La cession à Joker

Du fait de la maladie d’Ariel, actionnaire principal qui ne peut plus conduire ses affaires, se pose le problème de la pérennité de l’entreprise. Serge ne souhaite pas que la cession soit réalisée au profit d’un concurrent direct et prend contact avec la cidrerie Bulmer (la plus importante d’Angleterre et même du monde), mais des problèmes internes au sein de cette société empêchent d’y donner suite. Finalement, lui sont présentés les dirigeants de Joker et la cession est réalisée en 1972. Joker acquiert 80% des actions de la cidrerie Mignard et exige que Serge continue de diriger l’entreprise, sous l’autorité d’un président, le gendre du PDG de Joker Gaëtan Monchovet. Pour la cidrerie, rien ne change dans un premier temps, si ce n’est un contrôle régulier de la gestion par le directeur administratif et financier du groupe.

Joker avait souhaité reprendre « Mignard » afin de mieux pénétrer le marché de la pomme et sans doute profiter de notre professionnalisme et de mes relations. Je n’étais pas fâché de ce changement de direction qui eut pour effet d’apaiser les relations avec mon père. – SM

Jus de raisin Challand

Joker intervient peu dans la « marche » de la cidrerie (la fabrication, la création et l’élaboration des produits, de même que l’exportation qui était l’un de ses points forts). Toutefois, l’actionnaire majoritaire charge la cidrerie Mignard d’exploiter les Jus de Raisin « Challand », avant d’exiger que cette marque remplace « Elit » (créée et déposée par Ariel) pour tous les jus de fruits. La marque Challand suivra toute l’évolution des conditionnements : litre, quarts, briques et bouteilles champenoises 75cl.

La marque Elit disposait pourtant d’une forte notoriété, tant pour les grands contenants que ceux de 25cl (collectivités) ou 12 cl (Cafés-Hôtels-Restaurants). Ces derniers étaient conditionnés par le « Domaine de Cavalès » en Camargue, avec lequel la cidrerie avait conclu un accord réciproque de fourniture (cidres / jus de raisin) et l’exploitation d’un dépôt commun à Lyon, qu’il a fallu par la suite exploiter seul. – SM

         

 

      

 

Pour l’anecdote … la cidrerie a embouteillé plusieurs centaines de milliers de bouteilles du jus de raisin « kasher ».

Nouvelle chaine d’embouteillage

La cidrerie développe ses ventes, notamment dans les grandes surfaces et à l’export. Joker demande alors à Mignard d’investir dans une chaine d’embouteillage plus performante pouvant produire plus de 10.000 bouteilles/heure. Le matériel est à nouveau fourni par la société Baele Gangloff de Villeurbanne, à l’exception du pasteurisateur Gasquet (acheté d’occasion) et d’une boucheuse liège avec pose automatique des muselets pour le cidre bouché.

Toutes les manutentions étaient enfin automatisées : décaisseuse, encaisseuse, palettiseur (chargement automatique des caisses CFP sur palettes 100×120, 4 lits de 8caisses lesquelles étaient ensuite transportées par chariots élévateurs à fourche dans l’entrepôt de stockage de 2.500 m2). Une étiqueteuse « haut de gamme » permettait d’habiller automatiquement les bouteilles champenoises avec une étiquette de corps, une contre étiquette, une collerette et une coiffe. Ce nouvel outil nous a permis d’embouteiller à façon de la bière en bouteille champenoise, comme la bière de Paris (produite par la brasserie de la Lutèce) ou la bière Leffe Un matériel incorporé sur la ligne d’embouteillage permettait également conditionner des packs de 3 bouteilles pour les supermarchés. Ce nouveau groupe réservé aux grands contenants pouvait produire 10.000 bouteille/heure, et complétait le précédent réservé aux bouteilles de 25 et 33cl. Les deux chaînes étaient souvent utilisées simultanément en 2 huit, notamment au printemps et en été. Ainsi la production pouvait atteindre jusqu’à 200.000 blles/jour. – SM

Joker n’ayant pas l’intention d’investir dans la cidrerie, il est proposé à Serge des solutions alternatives de financement.

Nous avons fait appel à l’Institut de Développement Industriel qui prenait une part dans le capital de la société avec apport de fonds, et une sortie progressive au fil des remboursements. Une autre astuce de financement quand on manque de moyens … C’était également une façon pour Joker d’obtenir pour sa filiale le financement d’un groupe d’embouteillage performant sans « mettre la main à la poche ! » – SM

Par la suite, le bâtiment de l’ancienne chaine d’embouteillage (près du restaurant du personnel) est reconverti pour abriter une unité de conditionnement pour les briques carton « Combibloc » de jus de fruits d’un litre (jus de pomme, orange et raisin).

Logistique et transport

Les nombreux produits fabriqués ou commercialisés par la cidrerie représentent plus de 200 marques (incluant l’exportation, et sans tenir compte des déclinaison de contenants). La logistique devient donc un service à part, initialement confié à à « Riton » puis à Jean Gallois et ensuite à Noëlle Houdrichon.

Concernant le transport, la cidrerie a longtemps disposé de sa propre flotte de camions, jusqu’au transfert de cette activité à des transporteurs.

La capacité de stockage en caisses (sur palettes) s’avère rapidement insuffisante. Une partie des entrepôts de la confiturerie Vitrac à Coulommiers est louée, en attendant la construction d’un entrepôt de 2.500 m2 avec un bureau d’expédition et une grand aire de circulation pour les camions (toujours visible aujourd’hui).

Roger Surplie était à Bellot le chef d’entrepôt avec comme adjoint Jacques Depors – SM

Ariel avait eu la bonne idée d’acheter des terrains autour de la cidrerie en prévision de son développement. – SM

Nouveaux silos

Dans les années 80 le directeur de l’usine Marc Buisson imagine pour Bellot des nouveaux silos compartimentés (pour sélectionner les variétés où les provenances) permettant d’augmenter la capacité mais aussi de réduire les besoins en main d’oeuvre. Grâce à un tuyau souple de grand diamètre, l’eau circule en circuit fermé et il suffit de le déplacer de temps en temps sur les tas de pommes pour les acheminer les pommes jusqu’à l’élévateur.

Les nouveaux bureaux

Le développement de la cidrerie impacte directement sur sa partie administrative. La petite maison d’habitation a été utilisée en complément des deux bureaux du sous-sol. Par la suite un local « Algéco » a été installé près de la bascule, mais cette solution s’est vite révélée insuffisante. La cidrerie ayant fait l’acquisition (à la chandelle ! …) de la gare de Bellot, elle la restaure et l’agrandit dans les années 80 pour abriter les services administratifs, ainsi que deux salles de réunions. A l’entrée se trouve l’accueil et le standard (domaine de Béatrice Truchon pendant de longues années), agréable et convivial avec son grand aquarium d’eau de mer. A la fermeture de la cidrerie, les nouveaux bureaux ont été cédés à Mr et Mme Théleste (Garage Denier) qui les ont transformés en logements locatifs.

       

Ecologie – le traitement des eaux usées

Jusqu’aux années 80, les eaux usées traversaient un bassin de décantation avant d’être rejetées. Les services départementaux mettent la cidrerie dans l’obligation d’installer une station d’épuration performante. Le choix se porte sur un procédé de « lagunage aéré », les trois bassins de décantation permettant le traitement des eaux usées équivalent à celles d’une ville de 15.000 habitants. Après quelques années la station a été investie par des canards, un ou deux hérons et des poissons dans le dernier bassin.

Nouvelles acquisitions et rapprochements

En 1981, la Cidrerie Mignard reprend d’une part la cidrerie Gavrel de Ferrières en Bray (qui devient « Cidrerie du Conquérant »), et d’autre part la cidrerie distillerie à Sainte Foy de Montgomery (Pays d’Auge) pour laquelle l’atelier de pressurage est modernisé (presse Bucher de 10 tonnes/heure).

Fin des années 80, Mignard reprend la petite cidrerie Guéroult de Mantes la Jolie qui se concentrera sur la vente directe aux crêperies. La cidrerie Mignard propose à Joker la création d’une chaîne de crêperies en franchise sous l’enseigne « le Grenier à pommes ». Après trois ouvertures, et bien que les résultats soient satisfaisants, Joker n’a pas souhaité poursuivre l’expérience et le projet a du être abandonné.

Enfin, la cidrerie Mignard accompagne le développement de la cidrerie Viard à Guéron (près de Bayeux), l’un de ses fournisseurs réguliers en cidre.

Le personnel

Le nombre de salariés a constamment évolué au fil du développement de la cidrerie : hors les saisonniers, il est passé de 3 à 5 personnes (sous la direction d’Adolphe) à 15 (sous la direction d’Ariel) et à plus de 150 personnes (sous la direction de Serge) pour l’ensemble du groupe des Cidreries Mignard incluant les centres de production extérieurs et les dépôts de distribution (Ecully puis Brignais et Nancy). Dans les années 80, il s’est stabilisé à 120 personnes environ, du fait de l’augmentation de la productivité et de la réduction du nombre de chauffeurs. Pendant longtemps, la cidrerie Mignard était le premier employeur du canton de Rebais et pouvait s’enorgueillir de disposer d’un personnel compétent et extrêmement dévoué.

L’exportation

Si dans les années 70/80 les PME ne sont guère tournées vers l’export, ce n’est pas le cas pour la cidrerie Mignard qui l’aborde seule, sans le soutien de Joker. A partir des années 70, elle fait connaître ses produits auprès d’acheteurs français et étrangers dans des salons professionnels réservés aux produits alimentaires (SIAL, Vinexpo, ANUGA à Cologne, New York et même Ryad en Arabie Saoudite).

Les premières ventes à l’étranger sont réalisées en Allemagne par du cidre en vrac et en bouteilles champenoises conditionnées pour la société Granini sous la marque DUX. L’exportation pour la cidrerie devient rapidement un service à part entière dirigé par Pierre Truchon (issu de l’ESC Reims), lequel développe « l’international » grâce aux salons, non seulement en Europe (Allemagne, Angleterre, Belgique …) mais aussi aux Etats Unis, au Canada, au Moyen Orient (Emirats, Arabie Saoudite), en Asie (Japon, Hong Kong, Taïwan, Singapour, Malaisie) et dans les Dom Tom (Guadeloupe Martinique Réunion ).

Outre le cidre, les produits commercialisés sont essentiellement des jus pétillants en bouteille champenoise (pomme, raisin rouge ou blanc). Pour l’Angleterre, la cidrerie crée le « Blush », boisson pétillante rosée à base de jus de raisin rouge et blanc qui complète le raisin-mandarine ou le raisin-pêche. Si les grandes chaînes de distribution vendent souvent sous leur marque propre, ce sont les marques « Challand » et « Mignard » qui sont les plus utilisées. Pierre Truchon est remplacé par Laurent Aubry à son départ pour la direction commerciale France.

Lorsqu’il y avait un pavillon Français dans un salon alimentaire, nous réservions un stand ! Laurent Aubry qui succéda à Pierre Truchon poursuivit cette politique. Quant à moi, j’y participais également, soit en étant présent sur les salons, soit en allant visiter les clients et « prospects » à l’étranger. Cette politique fût bénéfique puisque le chiffre d’affaire « Export » a représenté dans les dernières années environ 35% du chiffre d’affaire de la cidrerie, bien supérieur à celui de Joker pour l’export. – SM

Au coeur d’un écosystème

Ariel disait à son fils : « Il  faut sortir … voir du monde … on rapporte toujours quelque chose !… Suivant ces préceptes, Serge a comme objectif de mieux connaître la profession, la réglementation française et (plus tard) européenne, ainsi que celles et ceux qui dirigent la branche du cidre et des jus de fruits. Les assemblées professionnelles sont l’occasion de rencontrer les hauts fonctionnaires de l’administration. Ainsi, Serge agit dans les syndicats professionels : il siège au SNIC (Syndicat National des Industries Cidricoles), préside à deux reprises l’ANIEC (Association Nationale Interprofessionnelle de l’Economie Cidricole), devient vice-président de la FNB (Fédération Nationale des Boissons, en tant que délégué du département production de boissons gazeuses). Sur le plan européen, il a été amené à présider l’AICV (Association Internationale des Cidres et Vins de Fruits). En Seine et Marne, il participe activement à la confrérie des gouste-cidre qui oeuvre au rayonnement des cidres d’ile de France.

Relations avec les entreprises locales

Pour désenclaver la cidrerie et lui assurer un réseau de solidarités, Serge s’implique à la chambre de commerce et d’industrie de Meaux comme membre titulaire et au Syndicat National de la Petite et Moyenne Industrie. Il fonde le Cercle des Industriels de la Région de Coulommiers et initie des actions concrètes avec la Sovis (Jouarre) et Villeroy & Boch (La Ferté Gaucher).

Contrats de plantations

Pour pallier la régression du verger national pour les pommes à cidre et à jus, l’interprofession cidricole met en place des contrats de plantations permettant aux producteurs d’être assurés de l’écoulement de leur récolte et de percevoir un prix plus attractif. La cidrerie Mignard fait planter environ 400 hectares de vergers  (pommiers basse tige) en Haute Normandie, dans la Marne, dans l’Aisne, et bien sûr en Seine et Marne (notamment chez Régine Gréssier à Fublaines et Michel Biberon à Verdelot).

Communication collective

Dans les années 60 la profession, encouragée par les pouvoirs publics, avait utilisé la télévision en noir et blanc pour « vanter » les vertus du cidre. Cela a duré peu de temps et les boissons alcoolisées furent ensuite interdites de télévision par la loi Évin. Pour soutenir la demande sur un marché en perte de vitesse, l’interprofession s’est organisée dans le cadre de l’ANIEC et a mené des actions de publicité et de relations publiques collectives, avec la création du label « Cidres de France » et des campagnes d’affichage, de radio et de promotion.

La mairie de Bellot

En 1977, André Pavois, qui avait succédé comme maire à Jean Brodard décédé en 1974, ne se représente pas et aucun conseiller municipal ne veut briguer ce mandat. Le directeur technique de la cidrerie Marc Buisson est d’avis que la fonction devrait être occupée par Serge et que ce pourrait être bénéfique, tant pour la société que pour le village. Le seul élu de la liste d’opposition, Jean Le Bon, devient 1er adjoint et se révèle précieux pour la commune ainsi que Robert Bedel 2ème adjoint. Serge occupera la fonction de maire de Bellot pendant 31 ans jusqu’en 2008.